| Deux sorcières vivaient dans un 
            vieux château, sombre et délabré. 
            Deux surs qui ne se ressemblaient 
            pas du tout. L'aînée, Pélagie, 
            vieille et grognon, était toujours 
            accompagnée de son horrible Chat 
            noir. La plus jeune, Amandine, rêvait 
            de devenir un jour une jolie fée. 
            Théodore, son ami le perroquet, l'encourageait 
            en lui racontant des histoires un peu folles. 
            Pélagie portait la même vilaine 
            robe noire toute l'année. Amandine, 
            au contraire, changeait de robe chaque jour. 
            Elle avait une préférence 
            pour la robe bleu-ciel et surtout pour les 
            petits chaussons en velours très 
            doux qui étaient exactement du même 
            bleu. Les deux sorcières ne s'occupaient 
            jamais de rien : elles n'allaient jamais 
            à Carrefour le samedi pour faire 
            les courses, elles ne faisaient jamais à 
            manger, elles ne nettoyaient jamais leur 
            vieux château plein de toiles d'araignée. 
            Quand Pélagie avait faim elle faisait 
            un grand geste plein de colère et 
            aussitôt apparaissait un énorme 
            rat cuit à point qu'elle avalait 
            rapidement. Quand Amandine sentait qu'elle 
            était trop fatiguée par tous 
            les tours de magie qu'elle avait faits, 
            elle posait calmement sa petite main sur 
            la table. Aussitôt apparaissait un 
            bon poulet fumant et un grand bol rempli 
            de graines. Elle mangeait tranquillement 
            le poulet tandis que son ami Théodore 
            avalait ses graines. Amandine aimait bien 
            Théodore ; elle n'oubliait jamais 
            les graines préférées 
            du perroquet. Elle donnait tous les restes 
            du poulet à l'affreux Chat noir qui 
            ne le méritait pas. Ce chat était 
            aussi méchant, aussi mauvais que 
            Pélagie sa maîtresse ; mais 
            Amandine était si bonne. Chaque jour, Pélagie et Amandine 
            faisaient de drôles de concours. " 
            Tu veux un cafard géant ? " 
            Demandait Pélagie. " Et hop, 
            le voilà ! " Amandine détruisait 
            aussitôt cette affreuse bestiole. 
            Amandine ouvrait tout grands les bras et 
            tendait à sa sur une magnifique 
            gerbe de fleurs fraîches qui répandait 
            un parfum extraordinaire dans cet humide 
            château. Pélagie étonnée 
            se demandait quoi faire d'une chose aussi 
            inutile et d'un geste détruisait 
            tout. En arrivant à l'école un 
            lundi matin, Sophie, une blondinette de 
            six ans, nous décrivit le vase de 
            Chine que sa maman avait reçu pour 
            son anniversaire. Amandine, ce jour-là, 
            offrit à sa sur un vase de 
            Chine aussi grand qu'une armoire. Le chat 
            et le perroquet tournèrent longtemps 
            autour du vase puis se battirent avec violence. 
            On retrouva des morceaux de porcelaine noirs, 
            rouges ou dorés dans les plus petits 
            recoins de la salle de garde. Le jeudi suivant, Julien un petit dur tout 
            juste âgé de sept ans, magnifiquement 
            coiffé en brosse décide que 
            la méchanceté de Pélagie 
            mérite qu'on lui coupe les cheveux. 
            Il fait l'unanimité contre lui. Pélagie, 
            protégée par toute une classe, 
            conservera sa longue chevelure.  Le jour où le chauffage tombe en 
            panne et que nous repoussons les tables 
            pour dégager un espace, Pélagie 
            et Amandine viennent danser avec nous. Elles 
            ont si froid dans leur vieux château 
            plein de courants d'air ! Ainsi, notre vie est étroitement 
            mêlée à la vie de nos 
            deux sorcières. Les deux bureaux 
            sont envahis de textes, de dessins, nous 
            avons toujours quelque chose de nouveau 
            à ajouter. Il fait un temps magnifique, 
            toutes les baies, côté cour, 
            sont largement ouvertes. La gentille Dame 
            de Service apporte une note à lire 
            de suite, elle entrouvre la porte ; aussitôt, 
            le courant d'air malicieux, provoque un 
            formidable envol de dessins et de textes. 
            Nous comprenons enfin qu'il va être 
            impossible de tout classer, de tout garder. 
            Heureusement, Brigitte, la Dame de Service, 
            est là. Elle trie, classe, découpe, 
            colle. Quel dommage de la voir faire la 
            baie vitrée du préau, elle 
            qui sait si bien s'occuper des enfants ; 
            j'avoue la kidnapper le plus souvent possible, 
            les enfants l'adorent et moi aussi. Merci 
            à toi, Brigitte de venir si souvent 
            participer aux activités de la classe. 
            Un grand merci à Nicole, notre Directrice, 
            qui encourage Brigitte, se privant ainsi 
            d'un couloir rutilant. Aujourd'hui, Pélagie, Amandine, 
            Théodore le perroquet, et l'horrible 
            Chat noir sont réunis dans la grande 
            salle du château. Pélagie est 
            la présidente, c'est-à-dire 
            qu'elle parle sans arrêts, et que 
            les autres ne peuvent rien dire du tout. 
            Alors on entend une chose incroyable, une 
            chose impensable, une chose inouïe 
            : Amandine crie, Amandine se met en colère, 
            elle dit qu'elle veut parler, qu'elle a 
            quelque chose d'important à dire. 
            Sa sur, surprise n'en revient pas 
            et du coup, se tait. Amandine déclare qu'elle est adulte 
            puisqu'elle est née il y a exactement 
            deux cents ans. Amandine ajoute qu'elle 
            n'est plus une petite fille, et qu'elle 
            ne veut plus obéir aux trois cent 
            cinquante ans de Pélagie.  Alors il se passe une chose incroyable, 
            une chose impensable, une chose inouïe 
            : Pélagie devient triste. Elle qui 
            ne connaissait que la hargne, que la colère 
            et que la méchanceté, est 
            triste. Elle a tellement ri aux éclats, 
            de voir les gens pleurer, qu'elle ne sait 
            plus quoi faire. Alors, elle donne un énorme 
            coup de poing sur la table. Elle ne va pas 
            avouer sa peine : C'est trop nouveau pour 
            elle ! Le château résonne, 
            et l'on entend mille coups de poing. Et 
            pour la première fois aussi, on voit 
            une chose incroyable, une chose impensable, 
            une chose inouïe : le vilain Chat noir 
            et Théodore le perroquet s'enfuient 
            ensemble, apeurés par tant de vacarme.  Les jours passent, Pélagie et Amandine 
            font comme s'il ne s'était rien passé. 
            Elles reprennent leurs jeux habituels de 
            sorcières : et voici un cafard, et 
            je t'offre un bouquet, et voici un violent 
            orage, et j'allume un bon feu dans la cheminée 
            pour te réchauffer ; Pélagie 
            a retrouvé son sale caractère 
            et son plus grand plaisir est de martyriser 
            les Humains. Amandine s'efforce de réparer 
            les dégâts causés par 
            les méchancetés de sa sur. 
            On dit tout bas dans ma classe que les inondations 
            de Nîmes le trois octobre mille neuf 
            cent quatre vingt-huit ont été 
            provoquées par Pélagie. On 
            murmure aussi que chaque année, sa 
            plus grande joie, au moment des fortes chaleurs, 
            est de mettre le feu à la garrigue 
            desséchée. Enfin, Pélagie 
            est responsable des orages violents qui 
            s'abattent sur Montpellier en plein hiver.  Pélagie et Amandine ont toujours 
            vécu dans ce vieux château, 
            sombre et délabré. Pélagie 
            se dit qu'il est impensable de vivre ailleurs 
            : c'est un Vrai Château de Sorcières, 
            qui grince, qui craque, qui laisse pénétrer 
            le vent tournant, le vent hurlant. Pour 
            Pélagie, c'est le Château Idéal. 
            Ce château est tout de même 
            habitable. On y voit des fauteuils confortables, 
            des bancs géants, des tables immenses, 
            des lits minuscules, et surtout de bons 
            gros poufs, de bons gros coussins où 
            l'on est si bien assis. Dans ce vieux château, 
            il n'y a pas d'armoire, pas de buffet, pas 
            de placard, il y a seulement des coffres. 
            Des coffres, il y en a partout ; ça 
            sert d'armoire, de buffet ou de placard, 
            il y en a d'immenses, mais plus ils sont 
            petits plus ils sont intéressants.  Un coffre intéresse particulièrement 
            Amandine. Ce coffre est un coffre en bois 
            entouré de larges bandes de métal. 
            Il a une serrure très compliquée, 
            une serrure à secrets. Ce coffre 
            est posé par terre au beau milieu 
            de la chambre de Pélagie. Jamais, 
            la jeune sorcière n'a pu pénétrer 
            dans la chambre de sa sur. Elle n'a 
            pas assez de pouvoirs ; une barrière 
            invisible et infranchissable empêche 
            de poser la main sur la poignée de 
            la porte. Amandine ne peut ni entrer dans 
            la chambre, ni ouvrir le coffre magique 
            dont elle ne possède pas la clef.  Amandine ne se décourage pas. Elle 
            veut partir du château trop froid 
            et trop triste à son goût. 
            Elle veut ouvrir le Coffre, y prendre la 
            Clef d'Or qui repose là depuis au 
            moins mille ans. Elle veut devenir une belle 
            et bonne fée. Elle veut partir très 
            loin, vers le Château Du Bonheur, 
            ne jamais revenir au Château Des Sorcières. 
            Le jour où elle aura enfin la Clef 
            Magique elle pourra ouvrir toute grande 
            la porte du Château du Bonheur. Elle 
            essaye donc plusieurs fois sans y parvenir. Pélagie sait très bien ce 
            que complote sa petite sur avec l'aide 
            de Théodore, le perroquet. Le vilain 
            Chat noir, d'ailleurs, les espionne continuellement. 
            Elle sait qu'Amandine désire lui 
            voler l'énorme trousseau de clefs 
            qu'elle garde toujours sur elle.  Ce matin, Amandine, la jeune sorcière, 
            se lève avant le jour. Le ciel a 
            des reflets blanchâtres, le soleil 
            n'est pas encore apparu sur la colline et 
            le sinistre Château reste dans l'ombre. 
            Amandine s'agite et met sa chambre en désordre. 
            Elle cherche, elle fouille et enfin elle 
            trouve ce qu'elle désire. Elle découpe 
            un grand morceau de tissu blanc. Elle s'enveloppe 
            dedans et personne ne peut la reconnaître 
            : on croirait voir le Grand Fantôme 
            Blanc. Mais le Chat noir, curieux et levé 
            depuis longtemps, la regarde se déguiser, 
            et court réveiller la Vieille Sorcière. 
            Il la secoue, il la bouscule, il lui raconte 
            tout. Quand Amandine apparaît ainsi 
            vêtue, Pélagie n'a pas peur 
            du tout. Amandine vient d'échouer 
            pour la première fois... Un mois passe. Amandine et Pélagie 
            reprennent leurs jeux ; mais Amandine écoute 
            les clefs cliqueter dans les jupes de sa 
            sur. Elle ne pense plus qu'à 
            cela. Il faut qu'elle ouvre le Coffre de 
            bois cerclé de métal, qu'elle 
            prenne la Clef d'Or, qu'elle se sauve vers 
            le Château du Bonheur. Le soleil est couché depuis longtemps 
            déjà. Ce soir, Amandine fait 
            bien attention que le vilain Chat noir ne 
            la suive pas. Elle dit : " bonsoir 
            je vais me coucher ", et monte dans 
            sa chambre. Elle y met un grand désordre. 
            Elle cherche, elle fouille et enfin elle 
            trouve ce qu'elle désire. Elle découpe 
            un grand tissu noir et se cache entièrement 
            dedans. Elle descend le sombre escalier, 
            pénètre dans la grande salle 
            obscure, et s'approche de sa sur sans 
            rien dire. Pélagie recule effrayée 
            : elle croit voir Le Grand Fantôme 
            Noir. Amandine pense alors qu'elle a gagné. 
            Hélas, à ce moment précis, 
            Théodore, le perroquet, vient se 
            poser sur l'épaule de la Jeune Sorcière. 
            Aussitôt, Pélagie reconnaît 
            la pauvre Amandine désespérée. 
            Amandine vient d'échouer pour la 
            seconde fois...  La Jeune Sorcière ne se déguisera 
            plus. Elle cherche une autre idée. 
            Un après-midi où les deux 
            sorcières jouent ensemble, Amandine 
            lance de la poudre sur Pélagie. La 
            vieille sorcière aveuglée 
            se met à hurler, se jette par terre 
            et s'y roule. Aussitôt, la Jeune Sorcière 
            lui saute dessus et essaie de fouiller dans 
            les nombreuses poches de la robe noire. 
            Pélagie se tourne et se retourne 
            dans tous les sens et la pauvre Amandine 
            ne peut jamais enfiler une main dans tous 
            ces plis. Pélagie se redresse avec 
            force, part à tâtons et se 
            lave les yeux. Cet après-midi-là, 
            la pauvre Amandine a échoué 
            pour la troisième fois... Dorénavant, 
            Pélagie surveille attentivement la 
            jeune fille qui pleure beaucoup. La Jeune 
            Sorcière essaie tout ce qui est possible. Un soir d'automne, où il fait plus 
            froid et plus gris qu'à l'ordinaire, 
            la Jeune Sorcière se transforme en 
            un énorme Monstre à trois 
            pattes. Il est bien joli, ce Monstre à 
            trois pattes, vert et rose. Il a une sorte 
            d'arête noire sur le dos, une arête 
            très amusante vraiment. Hélas 
            ! Pour Amandine, le Monstre à trois 
            pattes est un monstre souriant. Le Chat 
            noir en a très peur. Mais, Pélagie 
            reconnaît immédiatement sa 
            petite sur dans ce monstre-là, 
            à cause du sourire. C'est la quatrième 
            fois qu'Amandine échoue. Vers Noël, Amandine se transforme 
            en Dragon vert, crachant du feu. La Vieille 
            Sorcière a d'abord très peur. 
            Mais le Dragon vert se met à parler. 
            C'est une énorme erreur ! Le gigantesque 
            Dragon vert dit d'une voix douce : " 
            Je veux la Clef du Coffre Magique ! ". 
            Alors Pélagie, la Vieille Sorcière 
            éclate de rire, et Amandine, redevenue 
            elle-même pleure : Et de cinq se dit-elle... Au printemps suivant, apparaît dans 
            les prés fleuris un Grand Dragon 
            Marron. Il est énorme, il crache 
            du feu. C'est un vrai dragon tout à 
            fait effrayant. Cette fois-ci, Pélagie 
            a vraiment très peur et se transporte 
            par magie à l'intérieur du 
            Château. Elle colle alors son grand 
            nez pointu sur une petite ouverture et regarde 
            attentivement le Grand Dragon Marron qui 
            se déplace dans la prairie. Elle 
            est stupéfaite par ce qu'elle voit 
            : le Grand Dragon Marron avance lentement, 
            calmement, soulève une lourde patte 
            puis une autre et les repose en prenant 
            bien soin de n'écraser aucune fleur. 
            A ce signe, Pélagie reconnaît 
            Amandine. La Vieille Sorcière éclate 
            d'un rire énorme qui secoue tout 
            le Château. Amandine désespérée 
            s'enfuit dans sa chambre et pleure toute 
            la nuit. Pour la sixième fois, elle 
            vient d'échouer...  Alors Pélagie se met à surveiller 
            sa sur jour et nuit. Un après-midi, 
            Amandine semble très occuper à 
            embellir le Château : et je décore 
            les murs de belles tapisseries, et je glisse 
            des tapis moelleux sur le carrelage humide, 
            et je mets des vases chargés de fleurs. 
            Bref, Amandine s'amuse follement. Pélagie, 
            fatiguée et sans méfiance, 
            s'endort profondément dans son fauteuil 
            près de la cheminée. Amandine 
            regarde sa sur, attend un peu, et 
            transforme la Vieille Sorcière en 
            Souris. Alors, le vilain Chat noir saute 
            sur la Souris endormie pour la dévorer. 
            Pélagie se réveille en sursauts 
            et instantanément une Sorcière 
            laide et méchante réapparaît. 
            Mais, être méchant quand on 
            a failli être dévoré 
            tout cru, c'est normal, non ? Et de sept, 
            se dit la Jeune Sorcière. Les jours 
            passent, Amandine devient de plus en plus 
            triste. Elle ne s'amuse plus et ne parle 
            presque plus. Théodore essaie de 
            la distraire. Il s'envole dans tous les 
            recoins du Château. Un jour, en se 
            perchant sur le rebord de la fenêtre 
            de la chambre de Pélagie il s'aperçoit 
            que le Coffre n'y est plus. Il se précipite 
            vers Amandine pour lui raconter sa découverte. 
            Amandine recommence à sourire et 
            à courir dans toutes les salles. 
            Chaque jour elle explore une nouvelle pièce, 
            une nouvelle cave, un nouveau grenier. Elle 
            ne trouve pas le Coffre magique.  Agacée, énervée, la 
            très douce Amandine remplit un grand 
            seau d'eau et le jette sur Pélagie 
            ahurie. Amandine demande de l'excuser. Elle 
            aide gentiment sa grande sur à 
            changer de vêtements. Elle fait un 
            paquet des vêtements mouillés 
            et dit qu'elle va les laver à la 
            rivière comme elle a vu les jeunes 
            filles du village le faire. Que Pélagie 
            ne s'inquiète de rien ! Elle étendra 
            les vêtements sur la prairie pour 
            les faire sécher ! . Amandine fouille 
            dans les nombreuses poches. Elle trouve 
            enfin la Clef du Coffre en bois cerclé 
            de métal. Mais maintenant qu'elle 
            a la Clef, elle ne sait pas où le 
            Coffre est caché. C'est désespérant. 
            Pélagie arrive, tend la main sans 
            rien dire, et Amandine rend la Clef du Coffre. 
            Elle vient d'échouer pour la huitième 
            fois... Amandine surveille Pélagie qui surveille 
            Théodore qui surveille le Chat noir 
            qui surveille Amandine... Amandine s'aperçoit 
            que sa grande sur la laisse seule 
            très souvent dans la journée. 
            Théodore lui apprend que Pélagie 
            s'enferme dans la plus haute tour, là-haut, 
            sous le toit d'ardoise. Un soir où 
            Pélagie somnole en regardant les 
            flammes danser dans la vaste cheminée, 
            la Jeune Sorcière a une idée 
            extraordinaire. Elle grimpe jusqu'au donjon. 
            Elle devient d'abord invisible. Puis, pour 
            ne pas faire grincer la porte en l'ouvrant, 
            elle diminue sa taille, s'aplatit, se glisse 
            comme une feuille de parchemin entre le 
            sol et le dessous de la porte. Elle se retrouve, 
            enfin, face au Coffre. Hélas ! Elle 
            n'en a pas la Clef. Alors, elle devient 
            Clef du Coffre ! Une drôle de clef, 
            une clef qui a des pieds et des mains, une 
            clef qui grimpe seule jusqu'à la 
            serrure et qui essaie de la faire tourner. 
            Au cours de la nuit, Amandine prend toutes 
            les formes de clef qu'elle peut imaginer. 
            Aucune de ces clefs ne réussit à 
            ouvrir le Coffre Magique. Quand le soleil 
            se lève, elle se sauve, se jette 
            sur son lit et dort jusqu'au soir. Pélagie 
            inquiète vient plusieurs fois la 
            regarder. Les bonnes joues roses de sa jeune 
            sur la rassurent. Cette gamine de 
            deux cents ans joue trop, elle s'épuise, 
            pense Pélagie et elle la laisse dormir. 
            C'est la neuvième fois qu'Amandine 
            échoue... Enfin, vers la fin de l'été, 
            Pélagie, la Vieille Sorcière, 
            grimpe jusqu'au sommet de la tour. Elle 
            s'enferme, mais elle oublie de faire le 
            Grand Geste Magique, celui qui met les barrières 
            invisibles et infranchissables, celui qui 
            empêche de poser la main sur la porte. 
            C'est une monstrueuse erreur... Elle ouvre 
            le Coffre Magique, en sort la Clef d'Or 
            qui brille sous les rayons du soleil levant. 
            La Jeune Sorcière grimpe avec souplesse 
            l'étroit escalier qui monte jusqu'au 
            sommet de la tour. Tout en grimpant, Amandine 
            devient la Sorcière la plus laide, 
            la plus affreuse que le monde n'eut jamais 
            vue. Elle entre, terrible, féroce, 
            muette, et s'avance lentement sur la pauvre 
            Vieille Sorcière terrifiée. 
            Pélagie a tellement peur qu'elle 
            laisse le Coffre Magique grand ouvert. Elle 
            lâche la Clef d'Or. La terrible Sorcière 
            se précipite, ramasse la Clef d'Or, 
            et se sauve. Quand Pélagie comprend 
            que sa petite sur vient de partir, 
            emportant La Clef Du Bonheur, il est trop 
            tard... Amandine a réussi. ELLE A 
            CONQUIT LA CLEF DU BONHEUR. CONCLUSION " J'ai la Clef d'Or, j'ai la petite 
            CLEF d'Or " se répète 
            Amandine, et elle laisse éclater 
            sa joie. Elle serre très fort Théodore, 
            son Perroquet, elle l'embrasse, elle l'étouffe. 
            Sa première idée est de se 
            transporter instantanément, par magie, 
            devant le Château du Bonheur. Puis 
            elle réfléchit et se dit : 
            " Le Bonheur, ça se gagne ! 
            ". Elle décide donc de faire 
            tout ce long chemin à pieds comme 
            les Humains. Elle marche des jours et des 
            jours. Elle se repose dans la forêt. 
            Elle boit de l'eau de source. Cependant, 
            chaque midi, elle ne résiste pas 
            et pose calmement sa petite main bien à 
            plat sur l'herbe. Aussitôt apparaît 
            un bon poulet fumant et un grand bol rempli 
            de graines. Puis Amandine continue son chemin 
            jusqu'au soir, elle, toujours marchant, 
            Théodore toujours volant. Cela dure 
            depuis des jours et des jours. Enfin, à l'époque des vendanges, 
            ils arrivent en vue du Château du 
            Bonheur. Tous les Humains travaillent beaucoup. 
            Amandine les observe et est très 
            étonnée. Il y a des charrettes, 
            des tracteurs et des remorques. Il y a des 
            " Coupeurs " qui coupent les grappes 
            de raisin, il y a des " Porteurs " 
            qui emportent de lourds paniers d'osier 
            chargés de raisin jusqu'aux remorques 
            tout au bout du champ. Amandine est émerveillée 
            de voir tout cela et se précipite 
            vers les Humains. Mais eux, qui travaillent 
            si vite et si fort depuis l'aube, regardent 
            avec mépris cette drôle de 
            Jeune Fille, vêtue d'une longue robe 
            bleu-ciel et qui s'avance dans la boue avec 
            des petits chaussons en velours bleu très 
            doux. Elle part tristement. Soudain, la 
            magnifique Porte du Château du Bonheur 
            brille sous la tiède et calme lumière 
            matinale. Amandine oublie tout à 
            fait les Humains. Elle ne se maîtrise 
            pas ; elle hurle sa joie, elle saute si 
            haut qu'elle en perd un de ses chaussons, 
            elle fait des pirouettes, elle danse, à 
            nouveau, elle étouffe ce pauvre Théodore. 
            Mais, dans cette joie folle, elle ne lâche 
            jamais la petite Clef d'Or. D'ailleurs, 
            pendant toute la durée du voyage, 
            elle a serré si fort cette clef-là, 
            que sa petite main gauche en est imprimée. 
            Maintenant, tenant la Clef d'Or dans la 
            main droite, elle s'apprête à 
            L'introduire dans la Serrure Magique. Brusquement un violent orage éclate. 
            Des trombes d'eau envahissent les vignobles, 
            trempent les vendangeurs, fauchent les grappes 
            de raisins, embourbent charrettes et tracteurs, 
            inondent et coupent les routes. Les vendangeurs 
            doivent s'enfuir à pieds, abandonnant 
            tout sur place. Pélagie, laide, vieille 
            et grognon, toujours accompagnée 
            de son horrible Chat noir, vient d'arriver 
            devant le Château du Bonheur. Pourtant, Pélagie a changé. 
            Ce matin même, elle avait fait une 
            chose incroyable, une chose impensable, 
            une chose inouïe. Pensez ! Elle avait 
            abandonné le Vieux Château, 
            sombre et délabré ! .Elle 
            avait abandonné Le Vrai Château 
            Des Sorcières, qui grince, qui craque, 
            qui laisse pénétrer le vent 
            tournant, le vent hurlant ! Parce que Ce 
            N'était Plus le Château Idéal, 
            puisque Amandine, sa petite sur était 
            partie ! Pélagie venait de redécouvrir 
            un sentiment étrange, un sentiment 
            qu'elle avait déjà éprouvé 
            le jour des deux cents ans de la Jeune Sorcière. 
            Enfin, Pélagie se rend compte qu'elle 
            est triste, qu'elle a de la peine. Ce sentiment 
            trop nouveau l'effraie. Elle découvre 
            qu'Amandine lui manque, qu'elle aime Amandine, 
            qu'elle ne peut rester éloignée 
            de sa petite sur. Alors, elle abandonne 
            sa hargne, sa colère et sa méchanceté 
            dans le Château des Sorcières. Mais, arrivée au-dessus des vendangeurs, 
            elle ne peut s'empêcher, une dernière 
            fois de laisser éclater son sale 
            caractère. Amandine est effrayée de voir sa 
            sur. Immédiatement, elle pense 
            que Pélagie est venue lui reprendre 
            la Clef d'Or. Elle réagit aussitôt 
            et introduit la Clef d'Or dans la Serrure 
            Magique. La Porte Magique s'ouvre toute 
            grande. Amandine pénètre la 
            première dans le Château du 
            Bonheur. Elle devient instantanément 
            la Jeune Fée, bonne et jolie qu'elle 
            souhaitait être depuis si longtemps... Alors, Théodore le perroquet, s'envole 
            et passe sous le porche : il devient instantanément 
            un Jeune Prince Charmant. Théodore 
            avait toujours aimé Amandine. Et 
            cette fois, c'est lui qui l'étouffe 
            en la serrant dans ses bras... Le Vilain Chat Noir, curieux, s'avance. 
            Aussitôt qu'il se trouve dans la cour 
            intérieure du Château, il disparaît 
            totalement. On voit alors un Vieux Roi, 
            charmant, qui retourne vers la Porte d'Entrée 
            du Bonheur. Il va chercher Pélagie, 
            la Vieille Méchante Sorcière 
            restée à l'extérieur 
            du Château. Il la salue respectueusement, 
            lui tend la main, et l'aide à pénétrer 
            sous les voûtes du Porche. Pélagie 
            devient instantanément une sympathique 
            Vieille Fée qui regarde avec tendresse 
            ce Vieux Roi si charmant. Alors, elle décide 
            de l'épouser immédiatement 
            et ne lui demande même pas son avis. 
            Mais cela fait bien rire ce bon Vieux Roi 
            si charmant, parce que c'est exactement 
            ce qu'il souhaite... Amandine et Théodore qui se regardent 
            et qui se sourient ne voient même 
            pas les deux charmants petits vieux qui 
            se tiennent par la main juste à côté 
            d'eux. Pélagie, toujours énergique, 
            se plante alors devant Amandine et Théodore 
            et dit avec autorité " Je vous 
            déclare mariés ".  Amandine et Théodore se sont mariés 
            il y a huit ans déjà. Ils 
            vivent heureux entourés de leurs 
            vingt-six enfants, tous nés dans 
            ce merveilleux Château du Bonheur. 
            Le Coffre magique est resté dans 
            le Château des Sorcières. Amandine 
            porte à son cou La Petite Clef d'Or, 
            suspendue à une jolie chaîne. 
            La Petite Clef d'Or ne servira plus jamais 
            : La Serrure Magique ne peut fonctionner 
            qu'une seule fois. La magnifique Porte Magique 
            restée grande ouverte, permet à 
            tous, s'ils le souhaitent, de venir se réfugier 
            dans le Château du Bonheur.  Nous sommes tous les enfants de Théodore 
            et d'Amandine : Nous sommes gentils , jolis, 
            intelligents et doux comme nos Parents. 
            Et s'il nous arrive d'être grognons, 
            hargneux, coléreux, Tante Pélagie 
            intervient, autoritaire. Je vous interdis, 
            de ressembler à votre Tante !!! Venez 
            tous vous asseoir autour de moi ! Je vais 
            vous raconter une merveilleuse histoire... 
            Et elle recommence pour la dixième 
            fois au moins : Deux Sorcières vivaient 
            dans un vieux Château... On la connaît 
            par cur son histoire, mais on n'a 
            pas intérêt à bouger. 
            Tante Pélagie, pour avoir le calme, 
            serait capable de nous transformer en statues... Nous sommes douze filles : Amel - Anessa 
            - Audrey - Cécile - deux Christelle 
            - Emilie - Najlaa - deux Patricia - Stéphanie 
            - Sylvie. Nous sommes quatorze garçons 
            : Brice - Cédric - David - Fabrice 
            - Gautier - Grégory - Guillaume - 
            Halim - Jean - Jérôme - Joseph 
            - Nicolas - Nima - Yoram. Mais, Personne n'ose bouger sous le regard 
          de Tante Pélagie. |