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Nouvelle Publiée Mai 2002 dans
"Les Cahiers de l'Escarboucle Bleue n°1"
édités par CERCLE LITTÉRAIRE DE L'ESCARBOUCLE BLEUE
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Nouvelle publiée en 2000
dans
"Le Registre d'Ecrou" n°3,
bulletin de la Société Strasbourgeoise
d'Études Holmésiennes
"Les évadés de Dartmoor". |
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Le premier printemps du siècle
navait pas été clément à Londres.
Accompagnant les pousses des premières feuilles, fraîches
et vertes, la pluie navait de cesse de tomber. Les rares
passants se hâtaient, transis, et même les vendeurs
de journaux semblaient avoir abandonnés les rues. Cela
durait maintenant depuis une quinzaine de jours. |
Bien quil soit près
de onze heures, il faisait presque noir. Jen fis la remarque
à Holmes, qui me répondit dun grognement.
Il était vautré dans un fauteuil, enveloppé
dans sa robe de chambre grise, les jambes allongées, tirant
machinalement sur sa pipe, semblant contempler le plafond, et
y voyant probablement je ne sais quelle réponse à
je ne sais quelle question qui pouvait bien hanter son esprit.
Les premiers jours de pluie, immobilisé à Baker
Street par la force des choses, mon ami sétait attelé
à ranger les journaux que nous avions reçus. Ce
début de siècle avait été fertile
en affaires, et nous avait laissé peu de temps disponible.
De plus, je pense lavoir fait remarquer à plusieurs
occasions, Holmes nétait pas un maniaque du rangement,
quelles que soient ses autres qualités, par ailleurs indéniables.
Cest donc avec un plaisir non dissimulé que jobservais
mon ami feuilleter les anciens journaux, en jeter certains, découper
des articles dans dautres, et dont lui seul pouvait imaginer
lintérêt. Il les classait ensuite dans ses
dossiers alphabétiques. |
Après avoir épuisé
les journaux, dont Mrs Hudson se demandait comment elle pourrait
bien faire pour sen débarrasser à son tour,
Holmes sétait lancé dans quelques études
sur sa paillasse. Il empestait régulièrement la
pièce, et jouvrais alors la fenêtre, préférant
la pluie à lasphyxie. Jadressais quelques
remarques à mon ami, concernant ce quil convient
de faire dans un appartement et ce qui requiert un espace approprié,
comme un laboratoire, bien quen pure perte. Mais depuis
quelques jours, il avait cessé cette activité singulière,
et ne bougeait pratiquement plus de son fauteuil, même
pour manger. |
Jen avais profité
pour reprendre mes notes des dernières affaires qui sétaient
présentées. Certaines restaient banales, même
si mon ami y usait de ses capacités uniques avec brio,
mais dautres ne manquaient pas de surprendre comme leffarante
découverte de Miss Greenwich, lhistoire du duel
savant entre deux professeurs, ou encore laffaire de la
position du fou du roi laissée par un joueur déchecs
dont son adversaire ne sétait pas aperçu
quil était mort. |
Mais aujourdhui, Holmes
était entré dans lune de ses périodes
dinactivité et de mélancolie que je lui connaissais
naguère. Cela nétait pas sans minquiéter.
Je parvenais rarement à lui tirer plus dun grognement,
et encore, sans que je sache sil signifiait lapprobation
ou la négation. |
Je quittai la fenêtre pour
minstaller dans mon fauteuil près de la cheminée,
et feuilletai le Times à la recherche de quelques nouvelles
à sensation qui pourraient intéresser mon ami.
Malheureusement, il semblait que même les voleurs et autres
criminels cherchaient à échapper à la pluie
en restant chez eux. Je ne déchiffrai rien de singulier
non plus à la page des petites annonces dont Holmes était
si friand. Je recherchai à la page des spectacles un prétexte
pour tirer Holmes de Baker Street, mais à lexception
dun concert des uvres parmi les plus connues de Strauss,
interprétées par un orchestre venu spécialement
de Vienne, rien ne retint mon attention. Et je doutai qu'une
soirée de valses viennoises puisse recueillir lassentiment
de mon ami. Bien que mélomane, il dédaignait ce
quil appelait la musique facile. Avec un soupir, je repoussai
le journal, et entrepris de travailler sur mes notes, suspendant
ma tâche à chaque fois quun fiacre passait
à proximité, en souhaitant que lun deux
sarrêtât devant le 221b. |
- Vous avez raison, Watson.
Une nouvelle affaire nous ferait le plus grand bien à
tous deux. Il est vrai que le temps fait de la capitale de lempire
une ville des plus calme ! En tout cas, ne comptez pas sur moi
pour assister à un spectacle de musique aussi frivole
que celle de Strauss !
- Les valses de Vienne méritent laccueil qui leur
est fait, rétorquais-je. Mais... Holmes ! Je nai
rien dit de tout cela !
- Ah, Watson ! On lit en vous comme dans un livre ouvert. Et
puis, je nai aucun mérite : jai lu le Times
avant vous ce matin.
- Mais aucune de mes pensées ne figurent dans ce numéro
du Times, je vous lassure !
- Soit, laissez moi vous expliquer. Vous étiez à
la fenêtre, scrutant la rue comme si vous attendiez quelquun.
Je savais que ce nétait pas le cas, car vous men
auriez averti. Vos regards répétés dans
ma direction mont indiqué que vous espériez
un client. Puis, vous avez regardé les boîtes où
je collationne les articles dignes dintérêt,
et enfin, la paillasse. Il était évident que vous
pensiez à ces derniers jours, nest-ce pas ?
- Certes. Mais... et Strauss ?
- Je vous lai dit : jai lu le journal avant vous
ce matin. Aux pages que je consulte avec attention, vous navez
rien trouvé digne dêtre relevé. Moi
non plus dailleurs. Votre moue dédaigneuse et un
coup dil que vous avez jeté vers la fenêtre
indiquaient tout le mal que vous pensiez de ces gens qui, comme
nous le faisons pourtant, restent chez eux au lieu de nous soumettre
une affaire remarquable. Puis, vous avez cherché un spectacle,
et vous êtes tombé sur le seul article dintérêt.
Votre regard vers mon étui à violon ma confirmé
que vous pensiez à la musique. Tout de suite après,
vous aviez la certitude que ce spectacle ne menthousiasmerait
pas, doù votre soupir. Tout cela est élémentaire.
Je vous remercie de votre sollicitude mon cher ami, mais je vais
fort bien. Cest-à-dire aussi bien quil soit
possible... Ah, mais Watson ! Je pense que vous allez être
soulagé : voici un fiacre qui sarrête. Les
affaires reprennent ! |
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