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Notre petit monde - Site de la famille Prévot

Dominique Prévot

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28 XII 2015

L'Héritage dissonant - © Dominique PRÉVOT
Chapitre 3
Le déluge avait cessé, et le temps s'était éclaircit. Après le délicieux repas servi par une Mrs Hudson contrariée par notre retour tardif, Holmes m'annonça que quelques affaires retiendraient son attention à l'extérieur, et que nul n'était besoin que je l'accompagne. Je le laissai donc à Baker Street, et en profitai pour déambuler dans les rues de la capitale. La chaussée restait glissante, mais il était agréable de sentir à nouveau les pavés de Londres sous mes pas. Avec la présence du soleil, l'eau semblait s'évaporer sous mes yeux. Je fis un grand tour, au milieu des nombreux promeneurs. On eut dit que tout le monde avait attendu la première éclaircie, derrière sa fenêtre, et que ce premier rayon de soleil était le signal pour que la vie reprenne ses droits. Le temps avait obligé tant de personnes à rester chez elles, que maintenant, chacun sortait sur le pas de sa porte, ou, comme moi, pour une promenade plus conséquente. Des sourires se peignaient sur les lèvres, et je vis même des hommes se saluer, bien que, manifestement, ils ne se connaissaient pas. L'animation avait repris : les vendeurs de journaux criaient les principaux titres, les fiacres passaient plus nombreux, éclaboussant les piétons les moins attentifs, nombre d'échoppes et de magasins étaient ouverts.
Lorsque je rejoignis Baker Street, Holmes était penché sur un câble. Sans plus attendre, il me le tendit.

- Mais c'est de l'allemand, Holmes !

- Vrai, Watson, sous sa forme autrichienne pour être précis.

- Apparemment c'est la copie d'un acte de mariage.

- Vrai encore ! Tout au moins une copie des parties qui nous intéressent.

- Celui de Jack Russell et de Violet Strauss ! Holmes, qu'est-ce que cela signifie ?

- Je ne sais pas encore, mais il n'aura fallu que quelques instants à mon correspondant à Vienne pour m'envoyer ce document, que je lui demandai par câble. Cela fit grand bruit : le fils d'un diplomate britannique et une fille de la famille Strauss. Ce fût une réception éclatante paraît-il. Mais lisez plus bas, je vous en prie.

- Hans Von Freiburg !

- Il était le témoin de Miss Strauss. J'attends plus d'informations. Demain probablement.

- Je ne savais pas qu'il y avait des filles chez les Strauss. On ne parle que des trois frères et de leur père.

- Cela vous étonne que ce monde d'hommes ne parle que d'hommes ? dit Holmes, un curieux sourire au coin des lèvres.

Il n'était pas dans les habitudes de mon ami de s'épancher sur l'état du monde. Sa réflexion sur les hommes me fit penser à la mésaventure de cette après-midi, que je lui narrais, tâchant de ne pas paraître trop ridicule à ses yeux.

- Oui, Watson, le monde change, les femmes changent, vous seul demeurez immuable ! Excusez-moi de vous avoir repoussé si violemment, mais vous alliez piétiner une magnifique empreinte de pied de Mrs Violet Russell, qui était le but de toute cette mise en scène.

- Vous voulez dire que c'était vous, cette dame qui était là, assise dans l'eau et la boue ?

- Il fallait que je puisse comparer les traces de pas que j'ai trouvées dans la chambre de Von Freiburg, voyez-vous. J'ai donc demandé, puis obtenu un rendez-vous avec Mrs Russell sous prétexte de vouloir inscrire ma fille à un cours de violon. Après l'entretien, je me suis dit convaincu et ai prétendu qu'une assistance me serait précieuse pour choisir un instrument, chez le luthier proche. Elle n'hésita pas à m'accompagner.

- Vous ne m'avez pas dit qu'il y avait des empreintes chez Von Freiburg, Holmes !

- Ah, je ne vous l'ai pas dit ? Il pleuvait depuis des jours. Alors, lorsque Von Freiburg a parlé de son hôtel, j'ai craint le pire : on pouvait avoir fait disparaître toute trace de passage en nettoyant la pièce, d'où ma précipitation ce matin. Nous sommes arrivés à temps, et j'ai pu dénombrer le passage de trois personnes. Tout d'abord, celui de notre visiteur, avec ses chaussures caractéristiques qui ont une forme qu'on ne trouve pas chez nous. Ensuite, un pied plus petit, indéniablement celui d'une femme, mais difficile à percevoir. Elle avait dû venir la veille. Grâce à l'empreinte obtenue cette après-midi, je suis en mesure d'affirmer que Mrs Russell a rendu visite à Herr Von Freiburg, et qu'elle s'est allongée sur le lit. Mais ce n'est pas tout : il y avait aussi d'autres traces, bien visibles. Celles d'un autre homme, qui portait des chaussures françaises.

- Françaises ?

- Je ne doute pas que ce soit celles de son mari.

- Jack Russell ?

- Avez-vous remarqué combien cet homme est attaché au continent : ses habits sont français, ses chaussures aussi probablement. Même sa moustache est taillée à la mode française !

- Je ne savais pas que vous vous intéressiez à la mode, Holmes.

- Et vous avez raison. Mais il est primordial de reconnaître la nationalité d'une personne dès le premier coup d'œil.

- Mais Russell est britannique !

- Par son père, oui, mais sa mère est française, j'ai pu vérifier à partir du câble que nous possédons.

- Alors, vous pensez que cet homme a volé son ami ?

- Vous avez remarqué son insistance à faire passer les partitions pour des œuvres insignifiantes ? Je ne doute pourtant pas qu'il les ait reconnue pour ce qu'elles sont. Néanmoins, il reste deux points à éclaircir. Pourquoi Von Freiburg ne nous a-t-il pas parlé de la visite de Violet Russell qu'il a eu hier, ni de sa promenade sous la pluie ce matin ?

- Et le deuxième ?

- Est-ce qu'un éventuel lien de parenté entre Violet Strauss et Johann Strauss peut être la cause du vol ?

- Vous suggérez que Mrs Russell considère ces partitions comme une sorte de legs de sa famille ?

- Il est encore trop tôt pour tirer de telles conclusions. Nous allons recevoir la visite de Hans Von Freiburg d'ici un instant. Je lui ai fait parvenir un message. En attendant, dites-moi Watson, qui a gagné cette partie de billard ?

J'inspectai rapidement mes manches, et m'aperçus qu'une trace de craie montrait clairement l'exercice de ma passion à un œil exercé. D'un sourire, j'indiquai à Holmes que j'avais suivi sa démarche, d'autant que ce n'était pas la première fois qu'il me faisait cette remarque. Ni la dernière, j'imagine.

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Dominique Prévot
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