Tu sais, Ghislain, Mamie Claudette, il
y a très longtemps, était
une petite fille. Elle faisait des bêtises.
Chez ma grand'mère, il y avait beaucoup
d'animaux : une énorme truie (c'est
la maman cochon), des moutons, des chèvres,
des lapins et, dans le grand poulailler,
des canards, des poules et un coq géant.
Un jour, je suis allée porter la
nourriture à la truie. Elle habitait
une cabane tout au bout du champ. Cette
truie mangeait tout le temps. Elle était
très féroce, dangereuse, et
même mon grand-père ne s'en
approchait jamais ; il racontait qu'elle
détestait les hommes, mais moi je
crois qu'il en avait peur !!! Donc, toute
seule, minuscule, à peine vingt kilos,
me voilà partie avec une bassine
remplie de pain mouillé, d'épluchures,
de vieilles pommes etc. Cette truie remplissait
toute sa cabane. Elle pesait deux cents
kilos.
J'approche avec ma petite robe d'été,
mes sandalettes blanches et un joli noeud
bleu dans les cheveux. Je tire le verrou,
j'ouvre la porte de la cabane, je vais pour
ramasser la bassine... puis plus rien... je
suis par terre, le pain mouillé,
la bassine, sont sur moi. Impossible de
me relever ! Je ne comprends pas ! Je crie,
je hurle et la truie continue à avaler
ma robe et le pain mouillé qui est
dessus. Ma grand'mère, ne trouvant
plus la bassine, arrive en courant au moment
où je sors enfin, à quatre
pattes, avec seulement une demie-robe...
J'ai été traînée
par un bras jusqu'à la maison, et
j'ai reçu une bonne fessée...
et aussi beaucoup de bisous, mais çà,
seulement après que ma mère
m'ait plongée dans un grand baquet
d'eau qui chauffait au soleil... Le lendemain,
le boucher de la ville est venu, il a tué
la grosse truie et toute la famille a préparé
le jambon, les saucisses, les rillettes,
les côtelettes etc. Nous avons eu
de la bonne viande pour tout l'hiver. L'année
prochaine, je ne m'approcherais pas de la
nouvelle truie, c'est promis !!!
Demain, je te raconterais une autre de
mes bêtises. Bisous.
Montpellier, le 20 décembre
1994 |