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28 XII 2015

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Enfance à Rueil en Brie

Boulli la cane

Les bêtises : la truie

Injustices

La lâcheté

Une autre bêtise : les bougies

La libération

Le martinet

Petit Edouard

Marie-Victoire

Le mariage de la fille du Maire

Un mémorable 14 juillet

Bouilli la cane

Après la disparition de Lapin, sans aucun doute mangé par nos voisins (à mon avis, vieux et gros comme il était, cuit ou bouilli pendant des heures, Lapin était immangeable), nous avons vécu à la campagne. La campagne ! Pour des gamins qui sortent de la banlieue parisienne c'est un endroit extraordinaire. L'enclos qui nous est réservé est un vaste rectangle limité par la maison, la grange, le hangar, un mur de pierres sur le côté droit. En bas du terrain en pente douce, une vaste volière servant de poulailler, prolongée par une barrière de bois repeinte en blanc chaque année, forment le deuxième côté. Un grillage et une haie bien taillée terminent ce rectangle. Ah ! J'oublie, en face de la maison, le sapin géant auquel est accrochée la balançoire.

Un endroit merveilleux, ce poulailler ! C'est vrai qu'on se salit bien un peu, qu'on glisse quelquefois et même qu'on a un tout petit peu peur du coq ! Mais, ressortir de là avec son panier rempli d'œufs tout chauds, pas très propres, fraîchement pondus, attendre parfois que la poule chante " j'ai pondu, venez tous voir, j'ai pondu ! " Quel triomphe ! Seulement, le triomphe, c'est tous les cinq jours, à tour de rôle, car grand'mère a cinq petits-enfants et ça c'est nettement moins drôle...

Ah ! Oui, je voulais vous parler de Boulli. C'est une cane de barbarie, noire, verte avec des reflets dorés, un œil tout rond, taquin. Nous, les cinq gamins, nous aimons Boulli, nous la sortons du poulailler, nous la caressons, nous la promenons dans nos bras ; elle se laisse faire et ne pince jamais, pourtant nos gestes ne sont pas toujours très doux.

Elle a pour ennemie une vieille poule méchante, hargneuse, qui martyrise les autres poules et qui prétend être le deuxième coq de la basse-cour !!! Entre Boulli et la vieille poule c'est la guerre en permanence, elles se cherchent, elles se trouvent. Boulli aime s'aplatir et somnoler au soleil, la poule arrive furtivement, et hop ! saute sur le dos de son ennemie pour lui arracher quelques plumes du cou. Boulli se secoue, se débarrasse rapidement de la poule et se met à la poursuivre.

Nous avons inventé un jeu.

Ce jeu consiste à attirer la poule en haut de la pente, juste devant la maison, à poser Boulli par terre ; à peine posée, celle-ci se précipite, s'accroche solidement à la queue de la poule et s'accroupit ; la poule affolée se débat, court le plus vite qu'elle peut, entraînant dans sa course Boulli qui fait du traîneau. La poule continue sa fuite, elle veut son poulailler, elle le veut à tout prix, elle piaille, elle arrive enfin épuisée devant le grillage ; on lui ouvre la porte, elle va se cacher ; on est tranquille, on ne la reverra pas de la journée. Pendant ce temps-là, Boulli clame sa joie, elle pousse des cris de bonheur, elle a gagné, elle recommencera, c'est sûr... Mais pas avant plusieurs jours car la vieille poule si stupide et si méchante n'oublie pas si vite... C'est vraiment un jeu merveilleux !!!

Seulement voilà, en ce matin d'automne, il fait un peu frais, grand-père me tend quatre jolies plumes noires, dorées avec des reflets verts. " Pour ton chapeau " dit-il. Je cours écraser mon nez contre le grillage et je comprends que jamais plus je n'entendrai Boulli chanter sa joie.

Le lendemain, après la messe, la cuisine sent bon. Grand-père me regarde tendrement et me dit tout bas : " Ma Puce, tu vas te régaler, les navets sont bien tendres cette année ". Après avoir vérifié la dizaine de mains qui se tend vers lui, il sort sa montre et dit en s'asseyant en bout de table, bon appétit à tous ! Il retourne son couteau de poche sur la table, mais il n'a pas à taper sur les doigts des agités ; ce jour-là, tout le monde se tient bien à table. Je ne peux rien avaler et, pour la première fois, il me laisse sortir de table sans terminer le contenu de mon assiette. Il dit à Grand'mère : A quatre heures, n'oublie pas de lui faire tiédir un grand bol de lait de chèvre, elle est bien pâle, cette petite !!!

Montpellier, Décembre 1994

Claudette Prévot
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